La French Tech en 2024 : Entre résilience et transformation, portée par l’IA

Alors que les premières lueurs de 2025 se font sentir, quoi de mieux que de jeter un œil dans le rétroviseur pour faire le bilan de cette année 2024 ? Une année charnière qui aura vu la French Tech consolider sa position sur l’échiquier technologique européen, malgré un contexte macroéconomique tendu.

Dans un environnement marqué par la remontée des taux d’intérêt et les tensions géopolitiques, l’écosystème des startups françaises a fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation. Avec 7,1 milliards d’euros levés, soit une progression de 3% par rapport à 2023, la French Tech démontre sa résilience alors même que l’écosystème européen enregistre un recul de 7%. Une performance d’autant plus notable qu’elle s’inscrit dans un mouvement de rationalisation du marché, le nombre de tours de table ayant diminué de 18% pour atteindre 518 levées.

Cette évolution paradoxale – moins d’opérations mais plus de capitaux levés – traduit une mutation profonde de l’écosystème français. Exit l’ère de l’hypercroissance à tout prix, place à une approche plus sélective où la rentabilité et la solidité des modèles économiques priment. Un changement de paradigme qui n’a pas empêché l’émergence de nouveaux champions, particulièrement dans le domaine de l’intelligence artificielle, devenu le véritable moteur de la croissance de la French Tech.

L’IA comme moteur de croissance

« L’année 2024 marque un tournant décisif pour l’écosystème français. L’intelligence artificielle n’est plus simplement une tendance, mais devient le véritable moteur de notre croissance », analyse Lucas Mesquita, gérant du fonds d’entrepreneurs Blueberry. En effet, l’IA représente désormais 27% des montants investis, avec une croissance spectaculaire de 82% par rapport à l’année précédente. Sans ces investissements dans l’IA, le montant total des levées aurait accusé un recul de 11%.

Des champions nationaux comme MistralAI (468 millions d’euros) et Poolside (453 millions d’euros) illustrent cette dynamique et contribuent à positionner Paris comme un hub majeur de l’IA en Europe. « Ce qui est particulièrement encourageant, c’est que nous ne parlons pas simplement de promesses technologiques, mais aussi de sociétés qui ont un début de business model avec une preuve de traction. Même si nous sommes moins des résultats d’OpenAI, son concurrent américain, Mistral AI génère par exemple déjà 30 millions d’euros de revenus annuels récurrents », souligne Mathieu Artaud, co-gérant de Blueberry.

L’excellence de l’écosystème français en IA s’appuie sur des fondamentaux solides : des écoles d’ingénieurs prestigieuses (Polytechnique, ENS, Centrale), des centres de recherche de premier plan (Google DeepMind, Meta FAIR), et désormais cinq licornes portées vers l’IA : Dataiku, HuggingFace, Mistral, Owkin et Poolside.

Une concentration accrue des investissements

La tendance à la concentration des financements s’accentue en 2024. Les méga-levées se concentrent principalement dans quatre secteurs stratégiques : l’IA, le climat, la finance/assurance et les logiciels verticaux. Et surtout, les 15 plus importantes opérations captent 45% du total des fonds levés, témoignant d’une maturité croissante de l’écosystème. « Cette concentration peut apparaître comme un problème », témoigne Lucas Mesquita. « Elle reflète l’incapacité de notre écosystème à faire émerger de nouveaux champions, notamment en phase d’amorçage. Les VC français préfèrent investir sur des startups déjà bien établies pour financer leur développement international plutôt que de miser sur la nouvelle génération d’entrepreneurs ».

L’analyse des investissements révèle une prépondérance du SaaS (60% des financements), suivi du hardware (14%) et des services (10%). Par secteur, le cloud (21%), l’énergie (17%), la finance (14%) et l’industrie (10%) dominent le paysage des levées de fonds. « Cette diversification est un signe de maturité », analyse Mathieu Artaud. « Nous ne sommes plus dans une logique de copier-coller de modèles américains, mais dans la création de solutions innovantes, parfois de niche, répondant à des besoins spécifiques de différents secteurs. »

Paris, capitale technologique européenne

La capitale française confirme sa position dominante dans l’écosystème national et européen. En 2024, Paris centralise 79% des montants levés et 64% des opérations, s’imposant comme le deuxième hub technologique en Europe, devant Berlin mais derrière Londres, avec une croissance des investissements de 33% sur un an.

« Paris a toujours bénéficié d’un cercle vertueux », explique Lucas Mesquita. « La concentration des talents, des investisseurs et des success stories crée un effet d’entraînement qui attire toujours plus de projets ambitieux dans la capitale, et ce malgré les initiatives qui émergent un peu de partout en région. ».

Et Paris attire désormais un large éventail d’investisseurs internationaux : des fonds de croissance traditionnels (GC, Lightspeed, Accel) aux fonds d’infrastructure spécialisés dans la climate tech (Hy24, PGGM), en passant par les fonds de private equity et géants technologiques investissant dans l’IA tels que Nvidia, Amazon, ou UiPath. « La présence croissante d’investisseurs étrangers de premier plan est un signal très positif », souligne Lucas Mesquita. « Elle témoigne de la crédibilité acquise par l’écosystème français et facilite l’accès des startups aux marchés internationaux. »

Vers la maturité ?

La French Tech compte désormais 45 licornes, dont trois nouvelles en 2024 : Pennylane, Pigment et Poolside. Il est compliqué de savoir celles qui ont réellement maintenu leur valorisation au delà du milliard d’euros. Néanmoins, de BlaBlaCar à Ledger, nombre d’entre elles montrent une résistance particulière à la conjoncture peu évidente, prouvant ainsi la solidité de leurs fondamentaux. Parmi les licornes, cinq (Backmarket, Dataiku, Doctolib, Content Square et Qonto) affichent une maturité suffisante pour envisager une introduction en bourse, avec plus de 300 millions d’euros de revenus récurrents annuels et une croissance de 20-30% par an.

Malgré ces succès, des défis persistent. « La baisse du nombre de tours de table early-stage est un vrai point d’attention », reconnaît Lucas Mesquita. « Nous devons veiller à maintenir un pipeline suffisant de jeunes sociétés innovantes pour assurer le renouvellement de l’écosystème. »

Un autre enjeu concerne la décentralisation. Bien que Paris domine largement l’écosystème, des success stories émergent en région, comme OneStock à Toulouse ou Unseenlabs à Rennes. « Le développement d’écosystèmes régionaux dynamiques est crucial pour maximiser tout le potentiel d’innovation en France », estime Mathieu Artaud.

Les sorties constituent également un indicateur encourageant, avec trois opérations de M&A supérieures à 200 millions d’euros en 2024 (Preligens vendu à Safran, BeReal à Voodoo et Lumapps à Bridgepoint) et trois introductions en bourse non conventionnelles (Planisware, Younited et LightOn).

« 2024 marque une nouvelle étape dans la maturation de l’écosystème français », conclut Mathieu Artaud. « La French Tech prouve sa capacité à générer des champions technologiques de dimension mondiale, tout en conservant une dynamique d’innovation forte. Le défi est maintenant de transformer ces succès en une création de valeur durable pour l’économie française, alors que, dans le même temps, d’autres pays sortent la planche à billets pour garder leur leadership et écraser la concurrence notamment en matière d’IA ».

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