« Dans la finance, j’ai découvert un monde fascinant » – Rencontre avec Hugues de La Marnierre

Dans le monde de la finance internationale, rares sont les parcours aussi riches que celui d’Hugues de La Marnierre. De ses débuts précoces dans le trading des dérivés jusqu’à ses responsabilités de direction pays pour la Société Générale en Suisse puis en Chine, en passant par la création d’une société rachetée par BNP Paribas, son parcours témoigne d’une adaptabilité remarquable aux évolutions du secteur financier et aux différences culturelles. Aujourd’hui investisseur actif, notamment dans la fintech, il partage avec nous sa vision unique du monde financier, forgée à travers trois décennies d’expérience internationale.

Vous avez commencé très tôt dans la finance. Comment cette passion est-elle née ?

C’est le fruit du hasard en réalité. Tout a commencé lors d’un stage de troisième chez un agent de change. J’ai découvert un monde que je trouvais absolument fascinant. Étant déjà plutôt bon en mathématiques, j’ai tout de suite accroché car la finance, ce ne sont que des séries statistiques, des mathématiques, des probabilités. Après ce stage, j’ai commencé à développer des modèles de dérivés alors que j’étais encore à l’école, avant même l’université. J’ai rapidement commencé à travailler pour un broker américain, suivant les horaires de la bourse de New York pendant mes études.

Votre première expérience entrepreneuriale s’est soldée par un rachat par BNP. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’était une expérience très formatrice. J’ai créé cette société après avoir travaillé pour une entreprise hollandaise spécialisée dans les dérivés, particulièrement sur les matières premières et les métaux, mais peu présente sur l’equity. Mon projet était différent, mais j’ai fait toutes les erreurs classiques d’un jeune entrepreneur. Le business plan ne correspondait pas du tout à la réalité – non pas parce que c’était difficile, mais parce que c’était trop profitable, trop vite. Cette croissance explosive a attiré l’attention de l’actionnaire qui a rapidement pris le contrôle. La société est devenue un acteur majeur du secteur. J’ai quitté le groupe peu après, mais cette expérience m’a beaucoup appris sur les pièges de l’entrepreneuriat et l’importance d’une croissance maîtrisée.

Et vous avez continué votre carrière ensuite dans des grandes institutions financières ?

Oui ! J’ai ensuite passé plusieurs années aux États-Unis, où j’ai développé les activités de dérivés pour le Crédit Lyonnais, avant de rejoindre Paribas à Londres jusqu’en 2000.

Après la fusion BNP-Paribas, j’ai rejoint Commerzbank, où je suis resté huit ans. Une expérience très internationale avec des équipes à New York, Tokyo, Hong-Kong, Londres. J’ai développé les activités à Paris, Madrid, Milan, Zurich. Tout allait bien jusqu’à la crise de 2007, où j’ai vu des signes avant-coureurs qui m’ont poussé à partir. Après un passage rapide chez Natixis, j’ai intégré la Société Générale début 2009, d’abord pour moderniser tous les processus de gestion clients et produits. Nous avons notamment rationalisé une douzaine de CRM en un seul système, en collaboration avec Microsoft. J’ai ensuite été nommé patron pays pour la Suisse en 2013, où j’ai découvert de nouveaux métiers comme le leasing, la banque privée, le financement structuré. Après cinq ans, j’ai accepté le même rôle en Chine, où je suis resté jusqu’à mon retour en France il y a un peu plus d’un an.

Votre carrière vous a mené aux quatre coins du monde. Comment avez-vous géré ces différences culturelles, tant avec les clients qu’avec les équipes ?

Chaque pays a ses particularités qui demandent une approche spécifique. Aux États-Unis, tout est simple et direct : vous avez une chance, un coup à tirer, et si vous le ratez, c’est fini. L’Angleterre a été plus complexe, il m’a fallu bien une année pour comprendre les codes de négociation très spécifiques. La Suisse a été de loin le plus grand défi : c’est un marché très fermé, très direct, où la confiance est viscérale. Mais une fois cette confiance établie, ce sont des clients fantastiques et très fidèles.

En Chine, j’ai eu une belle surprise. Je m’attendais à une culture similaire au Japon, très hiérarchique et formelle, mais j’ai découvert des équipes passionnées, expressives, capables de faire l’extraordinaire. C’était finalement une culture assez latine avec laquelle je me suis senti très à l’aise.

Comment avez-vous géré la crise du Covid en Chine, étant sur place comme dirigeant ?

Heureusement, nous avions déjà une expérience du télétravail avant la crise, ce qui nous a permis d’être opérationnels très rapidement. Les protocoles d’échange et de travail à distance étaient déjà en place, il ne restait que quelques opérations sécurisées qui devaient être effectuées depuis nos serveurs locaux.

Lors des confinements stricts à Pékin et Shanghai, nous avions anticipé en équipant les bureaux de sacs de couchage et de kits sanitaires. Trois volontaires, dont un manager, se sont proposés pour rester au bureau afin d’assurer ces opérations critiques. Les autres employés ont travaillé de chez eux.

Il y a eu des moments difficiles, notamment au début avec les problèmes d’approvisionnement en eau et en nourriture. Nous avons dû organiser la livraison de box alimentaires pour tous nos employés, en utilisant nos relations avec nos clients. Cette période a créé des liens très forts : le gouvernement de Shanghai a même remis une médaille aux employés restés dans les bureaux, et un client nous a décerné un prix pour la continuité de nos services alors que d’autres banques étaient bloquées.

« En Chine, on a l’impression de vivre dans le futur”

Si vous deviez choisir un pays pour les 20 prochaines années, lequel serait-ce ?

Je n’ai pas vraiment de préférence absolue, car chaque pays a son moment. J’ai eu la chance de vivre à New York pendant une période de croissance extraordinaire des États-Unis. Londres, que j’avais connue grise et peu attrayante, est devenue une ville fantastique. Zurich m’a fasciné par sa richesse culturelle. En Chine, on a l’impression de vivre dans le futur – ça détonne très clairement de l’Europe ! Ce qui est passionnant, c’est de découvrir ces évolutions. Un pays peut être fantastique pendant une période et devenir un désastre après, ou l’inverse. Tout dépend du contexte et du moment.

Aujourd’hui, vous êtes investisseur actif. Comment abordez-vous ce rôle ?

Paradoxalement, travailler dans une banque limite beaucoup les possibilités d’investissement personnel à cause des contraintes réglementaires. C’est pour cela que je me suis d’abord tourné vers le private equity, dès 1997-1998. L’un de mes premiers investissements réussis a été dans Net-a-Porter, une société qui voulait utiliser internet pour vendre du luxe plus cher, à contre-courant de la tendance de l’époque qui était de tout vendre moins cher. La société a finalement été rachetée par Richemont.

Mon approche de l’investissement va au-delà du simple aspect financier. Avec l’expérience, on peut facilement identifier ce qui va bien et ce qui pourrait poser problème. L’enjeu est de trouver le bon ton pour faire passer ces messages aux entrepreneurs, soit pour éviter des écueils, soit pour les pousser à voir plus grand quand ils ont sous-estimé leur potentiel.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’approche de Caption ?

Le business model est étonnant, avec un potentiel important sur plusieurs aspects. Tout est en ligne, simple et clair. L’orientation de Caption sur le marché du financement des banques est particulièrement pertinente – c’est exactement ce qu’il faut faire. Les banques ne financent plus tout un ensemble de pans de l’économie, et le fait d’avoir des alternatives permet de belles histoires d’investissement. J’apprécie particulièrement la sélection rigoureuse sur la partie private equity. L’équipe fait très attention à sa réputation et à la qualité des actifs présentés aux investisseurs. 

Vous avez d’ailleurs investi dans Quideos à travers Caption, qui est aussi une société dans laquelle notre fonds Blueberry a investi ?

Oui ! Quideos est un projet très intéressant qui combine l’expertise suisse et française, avec Gaël basé à Genève et Michael à Paris. Leur approche me parle particulièrement car elle fait écho à mon expérience dans les dérivés. Ils utilisent les statistiques pour créer des solutions de hedging pour des acteurs qui n’en ont pas aujourd’hui. C’était impossible avant, mais la technologie permet maintenant de le faire de manière rentable.

Ça me rappelle aussi mes débuts dans les dérivés equity. Il faut être prudent et bien connaître ses paramètres, mais une fois qu’on a compris ça, c’est simple. Le reste est un enjeu essentiellement commercial. Ces aspects me sont très naturels. Et c’est aussi pour ça que j’ai accepté de les accompagner dans leur aventure.

Un dernier conseil que vous avez l’habitude de donner à ceux que vous accompagnez ?

Il faut prendre de la distance par rapport au monde dans lequel on est. Il y a tellement d’absurdités, et j’ai l’impression que ça s’accélère. En tant qu’investisseur ou dirigeant d’entreprise, il faut garder la tête froide, bien observer les choses sans nécessairement s’en mêler, comprendre ce qui est absurde et ce qui ne l’est pas, et ne pas se laisser embarquer par des questions dogmatiques ou idéologiques.

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