Rencontre avec Eric Grasland : « Le meilleur investissement ? Croire en soi »

À 64 ans, Eric Grasland incarne un parcours entrepreneurial made in France exemplaire. Des stages en usine à 15 ans jusqu’à la création d’Upsell, sa société de services commerciaux pesant 20 millions d’euros, son parcours est marqué par une constante : la volonté de créer de la valeur. Une success story qui s’est conclue en 2023 par une acquisition stratégique par le groupe Sarawak. Après avoir développé quatre entreprises, il se consacre aujourd’hui à l’investissement, notamment via des plateformes comme Caption et le fonds Blueberry. Une nouvelle vie où il met son expérience au service d’autres entrepreneurs, tout en restant fidèle à sa philosophie : privilégier l’humain et créer de la valeur dans l’économie réelle.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Eric Grasland : Je m’appelle Eric Grasland, j’ai 64 ans. Je suis marié, et je précise avec la même femme, depuis 35 ans et père de deux enfants. J’habite en Île-de-France depuis toujours, ou quasiment toujours.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à travailler très jeune, à 15 ans. Mon père voulait que je fasse mes premières expériences sur le terrain, alors il m’a envoyé travailler en usine en Allemagne pendant trois semaines. J’ai continué ainsi chaque année jusqu’à mes 17-18 ans.
Ma vie professionnelle a véritablement débuté dans la grande distribution, d’abord dans un point de vente de bricolage, puis comme commercial itinérant et manager d’équipe. J’avais pour projet de créer mon entreprise, ce que j’ai fait à 26 ans. Dans ma vie d’entrepreneur, je suis intervenu dans quatre entreprises majeures, dont trois que j’ai créées et une que j’ai développée. Je me suis formé en continu pour rester à la hauteur des enjeux, notamment à Babson College et à travers un Executive MBA à HEC.
Je n’ai pas créé d’innovation majeure pour chacune de mes entreprises. J’ai repris des concepts existants en cherchant à les améliorer. Je suis toujours resté dans le domaine de la distribution au sens large, mais avec la constante de mettre les RH et l’humain au centre du dispositif. Je considère que dans chaque activité existante, il y a toujours quelque chose à améliorer. Mon objectif était de rendre ces activités plus attractives à la fois pour les clients et pour les collaborateurs.
Pouvez-vous nous parler plus en détail de votre dernière société ?
Upsell est ma dernière société, que j’ai revendue en 2023. Je l’ai créée il y a quinze ans. C’est une entreprise de prestation de services qui accompagne le développement commercial de nos clients dans les circuits organisés : grande distribution alimentaire, bricolage, enseignes spécialisées comme Fnac, Darty, Boulanger, etc. Nous avons également développé une activité importante dans le secteur de la pharmacie, qui représente aujourd’hui 30-35% de l’activité globale.
Le principe est d’accompagner les clients en leur fournissant une équipe commerciale complète, adaptée à leurs enjeux et à leur stratégie. Les clients bénéficient d’une équipe dédiée de commerciaux terrain, parfois de commerciaux sédentaires, avec un management adapté. L’entreprise propose également tout un ensemble de services support, utilisant notamment l’IT et l’IA pour optimiser l’efficacité.
Dans quels secteurs avez-vous connu le plus de succès ? Y a-t-il des domaines où cela n’a pas fonctionné ?
Il faut surtout éviter les secteurs où les délais de décision sont trop longs. Par exemple, vendre des Airbus : techniquement ce serait possible, mais la nature même de ces ventes, qui sont très longues et impliquent de nombreuses interférences, notamment étatiques, n’est pas adaptée à une externalisation. Nos clients attendent des résultats rapides, et dans ce type de secteur, ce n’est pas possible.
« On peut apprendre à quelqu’un son métier, on peut lui apprendre le secteur, mais on ne peut pas refaire son éducation. »
Quels types de profils recherchiez-vous pour vos équipes commerciales ?
Une des différences majeures par rapport à nos concurrents, c’est que nous avons rarement mis l’accent sur les diplômes. Nous avons plutôt valorisé les personnalités. On peut apprendre à quelqu’un son métier, on peut lui apprendre le secteur, mais on ne peut pas refaire son éducation. Nous nous sommes donc toujours intéressés aux personnalités, à leur capacité à s’engager et à apprendre.
Avez-vous développé votre activité à l’international ?
Non, j’ai préféré que l’entreprise reste sur le territoire français. La durée de cette expérience professionnelle ne permettait pas, à mon avis, de prendre le temps de s’installer à l’étranger, d’autant que le marché français était déjà largement suffisant pour faire de la croissance. Nous avons réalisé une croissance continue de 20 à 25% chaque année pendant quinze ans, avec encore du potentiel.
Le groupe Sarawak qui nous a racheté, dans lequel je suis devenu actionnaire, est lui présent dans différents pays, notamment le Benelux et l’Espagne. C’est un très beau groupe d’un peu plus d’une centaine de millions d’euros qui fait le même métier que nous.
Comment placez-vous l’humain au cœur de votre stratégie ?
Dans la prestation de services, il y a des gens qui délivrent ce service, et c’est avant tout eux qu’on doit soigner. S’ils ne se sentent pas bien dans leur job, ils ne vont pas rendre un bon service ni donner une bonne image de l’entreprise. L’idée est d’être très proche de ses équipes, ou quand l’entreprise grossit, très proche des managers qui eux-mêmes devront être très proches de leurs équipes.
Il faut aussi avoir un discours de franchise avec les collaborateurs sur ce qui va et ce qui ne va pas. Bien traiter les salariés, ce n’est pas les materner, c’est être extrêmement clair sur les attentes tout en étant à l’écoute de leurs besoins.
Comment s’est passée la cession de votre société Upsell ?
Nous avions atteint quasi 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont environ 15 millions pour la partie prestation pure, avec 170 collaborateurs permanents à temps plein. L’entreprise a toujours été profitable dès la première année. Nous étions donc en bonne posture pour trouver un « bon » repreneur.
Nous avions plusieurs types d’acquéreurs possibles : des financiers et des industriels. Après avoir rencontré différents acteurs, notamment internationaux intéressés par notre position en France, nous avons opté avec mon associé, Jérôme, pour un industriel : le groupe Sarawak. Ils partageaient nos valeurs tout en ayant une approche différente, notamment sur l’expansion européenne. Nous nous sommes entendus pour conserver deux marques sur le marché français, ce qui permet d’avoir deux approches techniques différentes et de gérer les éventuels conflits d’intérêts.
Comment s’est passée la transition ?
Nous avons recruté deux personnes pour nous remplacer, mon associé et moi. Après une sélection rigoureuse parmi une vingtaine de candidats, nous avons choisi Bruno et Vincent, en cherchant des personnalités qui correspondent au projet et aux équipes, mais aussi qui forment un binôme complémentaire comme nous l’étions avec mon associé. Pour faciliter la transition, nous avons installé quatre bureaux dans la même pièce. C’était un peu serré, mais c’est aussi comme ça que le message passe bien. Cela a créé une vraie unité d’équipe et permis des échanges constants, que ce soit en binôme ou à quatre. Nous les avons accompagnés pendant environ un an avant qu’ils ne prennent leur envol et retrouvent un peu plus d’espace.
Qu’avez-vous ressenti à la fin de ce processus ?
Je n’avais pas fait de projets particuliers pour l’après. J’ai décidé de faire un vrai break et j’ai organisé un voyage de trois semaines au Japon avec ma femme. C’était une surprise pour elle, qui pensait que je m’arrêterais quelques mois plus tard. La rupture s’est bien faite, et je n’ai pas vraiment eu le temps de m’ennuyer depuis. Et puis, j’étais très en confiance avec le repreneur et nos successeurs, donc ravi de cette passation qui s’est très bien déroulée.
Quelle est votre approche de l’investissement aujourd’hui ?
Le meilleur investissement ? Croire en soi. Si je suis là aujourd’hui, c’est parce que je me suis donné les moyens de réussir en restant pleinement concentré sur mes activités. Ces dernières années, j’ai été donc très peu actif en matière d’investissement, à part un peu d’immobilier. Faute de temps, je ne m’intéressais pas particulièrement à d’autres classes d’actifs.
Aujourd’hui, j’ai une stratégie d’investissement mixte : environ 65-70% sécuritaire (obligations, fonds en euros) et 30-35% orienté rendement (actions cotées ou non cotées). Je ne suis pas un professionnel, je suis là pour apprendre, et c’est très important d’avoir des partenaires sérieux.
Quand on vend une entreprise, on reçoit entre 15 et 25 sollicitations d’entreprises qui vous identifient comme investisseur potentiel. Il faut faire le tri, et la confiance que l’on porte aux personnes et aux entreprises est importante pour se sentir en sécurité.
Vous avez investi via Caption, qu’est-ce qui vous a attiré dans cette plateforme ?
C’est un mix de plusieurs éléments. D’abord, l’originalité des offres : j’ai trouvé des projets intéressants à financer. Un point crucial est l’accessibilité : on peut investir dans de nombreux projets car les conditions d’accès sont adaptées aux investisseurs moyens, sans avoir besoin de mettre des millions à chaque fois. Bien sûr, le rendement est important, mais ce qui m’a particulièrement rassuré, c’est la transparence de l’équipe et la qualité de la relation.
Ce qui m’a séduit aussi, c’est l’opportunité de rencontrer directement les entrepreneurs. Quand on a été soi-même entrepreneur, c’est enrichissant d’avoir l’occasion de rencontrer, que ce soit en visio ou en one-to-one, des gens passionnés par leur business et à qui on va prêter de l’argent.
Vous avez également investi dans le FPCI Blueberry (fonds du groupe Caption), pouvez-vous nous en dire plus ?
L’idée était d’investir dans des projets qui servent à quelque chose, où on va contribuer à améliorer la vie d’entreprises ou de personnes physiques, tout en aidant des équipes à réussir leur projet. Le fonds est assez récent, mais je suis satisfait des premières opérations menées. J’apprécie particulièrement la transparence sur l’avancement des investissements, y compris sur les dossiers qui n’ont pas été retenus et les raisons de ces refus.
Y a-t-il des secteurs qui vous intéressent particulièrement pour vos investissements ?
Tout m’intéresse : les activités nouvelles comme l’IA, mais aussi les activités très classiques. Je pense que dans tout secteur d’activité, même les métiers historiques, il y a des choses nouvelles à faire. Je suis moins attiré par la blockchain, et il y a des secteurs que je ne cautionne pas, comme le tabac ou certaines activités liées à l’alcool, notamment celles ciblant un public trop jeune.
Pour conclure, quelle recommandation feriez-vous à nos lecteurs ?
Je suis quelqu’un d’urbain qui aime vivre avec du monde autour, c’est pourquoi j’habite en région parisienne. Mais j’ai aussi besoin de faire de vrais breaks. Je ne peux que recommander l’île de Minorque aux Baléares, où je trouve une vraie sérénité. J’aime ce contraste entre la vie trépidante parisienne et ces moments de calme où l’on peut faire de la randonnée et se baigner sur des plages désertes. Je voyage léger, juste avec un petit sac à dos – on a désormais notre scooter sur place qui nous attend à l’aéroport. C’est important de savoir jouer avec ces extrêmes pour casser les habitudes et pouvoir prendre du recul.
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