« Un chef d’entreprise doit constamment évoluer » : Rencontre avec Laurent Ducrot

À la tête d’une entreprise de menuiserie qui pèse 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, Laurent Ducrot n’est pas un chef d’entreprise comme les autres. Passionné de technologie, ce quadragénaire montpelliérain s’est fait un nom dans l’écosystème startup local en tant que business angel. Son credo ? Investir dans des projets qu’il comprend et où il peut apporter une réelle valeur ajoutée. De la menuiserie traditionnelle à l’intelligence artificielle, en passant par l’investissement, il nous livre sa vision d’entrepreneur moderne, toujours en quête d’innovation.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Laurent Ducrot : Je m’appelle Laurent Ducrot. J’ai une entreprise de menuiserie bois et aluminium sur la région de Montpellier. C’est une entreprise qui emploie 35 salariés et qui fait près de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. On est spécialisé dans le B2B et dans les marchés publics. Nous sommes fabricants, que ce soit en menuiserie bois ou en menuiserie aluminium. On fabrique tout nous-mêmes et on n’achète que lorsqu’on atteint nos limites de production.
Aujourd’hui, avec nos derniers investissements, on est vraiment passé à l’échelle industrielle. On dispose de 3800 mètres carrés d’ateliers répartis sur deux sites : un site de production bois et un site de production aluminium. En période de forte activité, on peut monter jusqu’à 50 personnes.
Qui sont vos clients types ?
Nos clients types sont les mairies, les métropoles, la région Occitanie. On répond à des appels d’offres pour des halls d’accueil, des écoles. On réalise aussi des sièges sociaux, comme celui de Focus actuellement. On fait également des magasins comme les Zeiss Vision Centers, des showrooms et plus.
Pourquoi avoir choisi de vous concentrer sur le B2B plutôt que les particuliers ?
C’était une niche peu convoitée parce qu’on disait que ça ne payait pas. C’est un peu vrai, ça paie difficilement et tardivement – on a parfois des délais de paiement qui dépassent les 90 jours. Ça nécessite d’avoir une grosse trésorerie et de bien gérer son entreprise.
Pour moi, le particulier n’est pas possible car ça reste un petit client à notre niveau. Nous avons vraiment une armée derrière : bureau d’études, staff administratif, équipe de fabrication. Les frais généraux sont trop importants comparés à un artisan qui fait uniquement ça, qui prend ses mesures, passe sa commande et livre sur le chantier.
Comment êtes-vous arrivé à créer votre propre entreprise ?
Je suis né dans le bâtiment. Mon grand-père était menuisier, mon autre grand-père plombier, et mon père faisait les faux-plafonds, le placo et la menuiserie. À l’origine, je voulais devenir directeur de supermarché, mais quand je me suis retrouvé en cours, ça ne marchait pas. J’ai donc décidé de devenir menuisier, avec l’idée initiale de faire le tour de France avec les Compagnons.
À 17 ans et demi, j’ai commencé à gérer mes premiers chantiers. Mon premier projet était la plateforme logistique de Lidl à Lunel, avec les nuits blanches et tout ce qui va avec. En 2005, j’ai racheté l’entreprise de mon père. Il est resté avec moi pendant deux ans et demi comme consultant pour m’apprendre le métier de chef d’entreprise. Mais le vrai apprentissage s’est fait sur le terrain. Chaque erreur est une leçon. La gestion de trésorerie dans le bâtiment, par exemple, ça s’apprend dans la douleur – surtout quand tu travailles avec le secteur public où les délais de paiement sont longs.
Depuis, l’entreprise s’est développée progressivement pour passer de 1 million d’euros à, aujourd’hui, près de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Quelle est votre vision pour l’avenir du secteur ?
Le bâtiment n’évolue pas assez vite à mon goût, surtout au niveau de la digitalisation. Quand je vois qu’aujourd’hui on a encore du mal à faire des rendez-vous en visio… Dans le bâtiment, les gens ne comprennent pas. Il faut toujours se voir en présentiel. C’est fatiguant de voir qu’on n’évolue pas.
« La technologie n’est pas une menace mais une opportunité. Elle nous permet d’être plus précis, plus efficaces, et de nous concentrer sur ce qui fait vraiment la valeur de notre métier. »
Je pense qu’on ne peut plus faire l’économie de la transformation numérique. Les outils sont là : la conception assistée par ordinateur, les machines à commande numérique, et maintenant l’IA. Il faut les adopter. Dans notre atelier, on a déjà numérisé pratiquement 100% de la production. Mais ce n’est qu’un début.
Le défi, c’est de faire comprendre aux gens du métier que la technologie n’est pas une menace mais une opportunité. Elle nous permet d’être plus précis, plus efficaces, et de nous concentrer sur ce qui fait vraiment la valeur de notre métier : le savoir-faire, la créativité, la relation client.
Comment vous êtes-vous intéressé aux startups ?
J’ai toujours été passionné de tech et je suis un geek dans l’âme. J’ai toujours aimé essayer d’aller un peu plus vite que tout le monde, que ce soit sur les machines de production d’atelier – qu’on a numérisées pratiquement à 100% – ou dans les outils informatiques au bureau.
Au début, mon idée était d’aller voir ce qui se passe dans les autres corps de métiers pour comprendre comment ils évoluent, contrairement au bâtiment qui reste très traditionnel. En discutant avec différentes personnes, j’ai découvert l’écosystème des startups. Je me suis dit que c’était l’occasion de s’amuser tout en gagnant potentiellement de l’argent.
Quelle est votre approche de l’investissement ?
Je suis admiratif des gens qui ont une thèse d’investissement claire, qui peuvent prévoir un ROI de 20% dans sept ans (rires). Moi, ce que je regarde avant tout, ce sont les fondateurs. Je dois avoir une vision et comprendre comment ça marche. Il faut que je sente qu’il va y avoir quelque chose d’intéressant.
Je ne vais pas sur les secteurs que je ne maîtrise pas. Par exemple, tout ce qui est web3 et crypto, je n’y vais pas car je ne maîtrise pas encore le sujet. Ce que je recherche quand j’entre dans une structure, c’est de pouvoir apporter quelque chose, ma pierre à l’édifice. Je veux pouvoir avancer avec eux, tester les produits et faire des retours constructifs.
Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans l’IA ?
L’IA me passionne énormément. Dans mon métier, je vois tellement d’applications possibles. Par exemple, la gestion des interventions, des devis, des contrats pourrait être automatisée. Dans l’atelier, tout ce qui est plan de fabrication pourrait être généré par l’IA. Tu devrais pouvoir dessiner sur un bout de papier avec des dimensions et que l’IA génère automatiquement les plans. Les erreurs sur les machines numériques pourraient être anticipées grâce à l’analyse des patterns de fabrication. Bref, il y a énormément de possibilités, et j’ai hâte de pouvoir les découvrir !
Pourquoi avoir investi dans Caption ?
Les fondateurs m’ont vraiment plu. J’ai testé Caption après avoir rencontré Lucas parce que je me disais « C’est quoi le truc ? Comment peuvent-ils donner du 10% de rendement ? ». J’ai donc mis un premier ticket de 20k€ pour voir ce que ça donnait. Et je me suis rendu compte que l’exécution était parfaite : les gens au téléphone sont super sympas, ça marche très bien, leurs pitchs sont précis, on touche les intérêts au bon moment, il n’y a pas besoin de relancer, on a de l’information en permanence. Je crois beaucoup en cette société. C’est une aventure qui m’apprend plein de choses et qui me permet d’évoluer, notamment dans ma compréhension des placements financiers et de l’investissement en général.
Comment diversifiez-vous vos investissements ?
À la base, j’étais plutôt investisseur immobilier dans les bâtiments d’entreprise. J’ai des bâtiments que j’ai achetés pour revendre ou louer. Mais l’instabilité politique autour de l’immobilier m’inquiète. Je crains qu’ils sortent une loi qui remette tout en question.
Aujourd’hui, j’ai diversifié entre immobilier, private equity par l’intermédiaire de clubs de business angels et un peu d’obligataire. J’ai des comptes à terme, comme tout le monde à la banque, des comptes chez Caption. Mon objectif maintenant est d’augmenter ma part d’obligataire tout en continuant sur le private equity pour garder une certaine logique sur le long terme.
Vous vous lancez dans le mentoring d’entrepreneurs. Qu’est-ce qui vous motive ?
Mon travail est ma passion. Même les samedis soirs avec mes amis, on parle d’investissement et d’entrepreneuriat. J’ai la chance de rencontrer des gens très intelligents, qui ont des idées de business incroyables mais qui n’ont pas toujours la rigueur pour atteindre leurs objectifs.
C’est passionnant de discuter avec quelqu’un qui explique son projet – tu vois tout de suite les problèmes qu’il va rencontrer et tu peux lui faire gagner du temps. Les aider à décoller, c’est ce qui me motive aujourd’hui.
C’est d’ailleurs quelque chose qui m’a toujours plu. Maintenant, j’ai peut-être un peu plus de temps à y consacrer. C’est la direction que je veux prendre. Et puis c’est un excellent moyen d’apprendre. Un chef d’entreprise doit constamment évoluer. Quand tu conseilles un entrepreneur, tu développes aussi ta propre compréhension des enjeux et des opportunités.
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