Chef d’entreprise : détenir ses actions via une holding, bonne ou mauvaise idée ?

Nous avons la chance d’avoir de nombreux chefs d’entreprise parmi la communauté de Caption. Ils sont souvent établis et sont déjà accompagnés de conseils pour les aider à structurer leur patrimoine tout au long de leur parcours. Mais régulièrement, de nouveaux membres nous font part de leurs interrogations concernant la pertinence de détenir leur société via une holding. Face à ces questionnements justifiés, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Paul-Jean Aubertin, expert-comptable et fondateur du cabinet Hexagone Advisory, afin qu’il partage son expertise sur ce sujet complexe mais crucial pour tout entrepreneur. Retrouvez ci-dessous cet échange enrichissant qui vous apportera, nous l’espérons, un éclairage précieux.

De nombreux entrepreneurs membres de Caption s’interrogent sur l’intérêt de détenir leur société via une holding. Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est exactement une holding ?

Paul-Jean Aubertin : Effectivement, c’est une question qui revient fréquemment dans notre quotidien d’Expert-comptable. Une holding est simplement une société qui a pour fonction de détenir les titres d’autres sociétés. C’est donc une personne morale avec un patrimoine propre qui va s’interposer entre le chef d’entreprise propriétaire et sa société d’exploitation.

Dans quelles situations recommanderiez-vous systématiquement la création d’une holding ?

Il y a trois cas particuliers où le recours à une holding est quasi systématique.

Premièrement, lors de la reprise d’une entreprise. Dans ce cas, la holding de rachat permet de faire porter les emprunts, d’embarquer d’autres investisseurs et d’interposer une personne morale afin de protéger le patrimoine du repreneur. Fiscalement, cela permet également de déduire les intérêts d’emprunt et de créer un effet de levier.
Deuxièmement, dans le cas d’une société familiale. Une holding simplifie la transmission et limite le risque de dispersion, particulièrement quand les héritiers peuvent avoir des objectifs différents.

Troisièmement, pour un groupe de sociétés. Lorsqu’un entrepreneur possède plusieurs sociétés, une holding permet de bénéficier du mécanisme d’intégration fiscale pour compenser d’éventuelles pertes avec les bénéfices d’autres sociétés. De plus, la centralisation du financement au niveau de la holding permet d’obtenir de meilleures conditions de crédit et, avec des conventions de trésorerie, de compenser les trésoreries des différentes entreprises.

Au-delà de ces cas spécifiques, quels avantages un entrepreneur peut-il tirer de la création d’une holding ?

Il y a plusieurs avantages significatifs. D’abord, la gestion de la politique de rémunération. Le dirigeant peut choisir différentes formes de rémunération – salaires ou dividendes – et différents statuts sociaux – salarié ou travailleur non salarié – selon les formes juridiques choisies. Cela permet d’optimiser sa situation d’un point de vue fiscal, des cotisations sociales et de la couverture sociale.

Ensuite, il y a le différé d’imposition sur les revenus. Les revenus générés par la société d’exploitation peuvent être soit pris par le dirigeant sous forme de salaires, soit sous forme de dividendes. Dans les deux cas, lorsque ces sommes sont disponibles pour la personne physique, cela déclenche l’impôt sur le revenu. Avec une holding, les dividendes versés par la société d’exploitation ont subi l’impôt sur les sociétés mais ne sont pas imposables à nouveau grâce au régime mère-fille, à l’exception d’une quote-part de 5%. Il n’y a donc pas d’impôt sur le revenu à payer immédiatement.

Cela signifie donc que l’argent peut être réinvesti plus efficacement ?

Exactement. Le montant disponible et réinvestissable au niveau de la holding est supérieur à ce qu’il serait si les dividendes étaient versés directement à la personne physique. La holding peut donc placer une somme plus importante et, à taux de rendement équivalent, générer plus de gains.
Il est important de préciser qu’il s’agit d’un différé d’imposition : lorsque la holding distribuera ces sommes à la personne physique, l’impôt sur le revenu s’appliquera. La holding permet donc un meilleur réinvestissement, mais l’argent n’est pas immédiatement disponible pour l’entrepreneur à titre personnel.

Et qu’en est-il si l’entrepreneur souhaite céder son entreprise ?

C’est un avantage majeur : le différé d’imposition sur le produit de cession de l’entreprise. Si l’entrepreneur possède les titres en direct et souhaite céder son entreprise, il va payer un impôt sur les plus-values lors de la cession.

En revanche, si une holding possède les titres, la plus-value de cession n’est pas imposable, ou presque – seule une quote-part de 12% de la plus-value est imposable. Ici aussi, l’impôt sur le revenu n’est déclenché que lorsque les fonds sont mis à disposition de la personne physique. Cela permet donc de bénéficier d’un différé d’imposition qui permet d’avoir un capital plus important à réinvestir dans le cadre d’un remploi par exemple.

On entend souvent parler du « 150-0 B ter ». De quoi s’agit-il exactement ?

C’est une disposition du Code général des impôts, l’article 150-0 B ter, qui est particulièrement intéressante dans le cadre d’une holding. Ce dispositif, qu’on appelle aussi « apport-cession avec remploi« , permet de bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value lors de la cession des titres, à condition de réinvestir au moins 60% du produit de cession dans une activité économique dans les deux ans.

Concrètement, l’entrepreneur apporte d’abord ses titres à une holding, ce qui déclenche un report d’imposition. Ensuite, si la holding vend ces titres et réinvestit au moins 60% du montant dans une activité opérationnelle dans les deux ans, le report d’imposition est maintenu. Cela permet de préserver une part importante du capital pour financer de nouveaux projets entrepreneuriaux ou des investissements productifs.

Ce mécanisme est particulièrement puissant car il permet non seulement de différer l’imposition, mais aussi de mobiliser une part significative du produit de cession pour développer de nouvelles activités, sans être immédiatement ponctionné par la fiscalité. C’est un véritable levier pour les entrepreneurs souhaitant réinvestir après la cession de leur entreprise.

Quelles sont les contraintes à respecter pour bénéficier de ce dispositif ?

Les contraintes sont assez précises. Outre le seuil minimal de 60% à réinvestir, les réinvestissements doivent être orientés vers des activités opérationnelles : financement d’une PME, acquisition d’une entreprise, développement de sa propre activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Les placements purement financiers ou immobiliers ne sont généralement pas éligibles. Par ailleurs, il faut conserver les actifs dans lesquels on a réinvesti pendant au moins 12 mois.

C’est un dispositif qui offre une réelle souplesse entrepreneuriale, mais qui requiert un accompagnement expert pour s’assurer de respecter toutes les conditions et sécuriser ainsi le report d’imposition. Cela permet d’avoir un capital plus important à réinvestir tout en s’inscrivant dans une dynamique entrepreneuriale vertueuse que le législateur a souhaité encourager.

La holding, c’est le couteau suisse du chef d’entreprise : un levier puissant, mais à manier avec précaution.

Tout semble indiquer que créer une holding est la solution idéale. Y a-t-il néanmoins des inconvénients à prendre en compte ?

Bien sûr, et c’est important de les considérer attentivement.

Premièrement, il y a la complexité et les risques fiscaux. La création d’une holding implique la gestion d’une entité supplémentaire, donc une complexité accrue. Par ailleurs, les montages financiers et juridiques des holdings sont sous étroite surveillance de l’administration fiscale, ce qui augmente les risques de contrôles et de litiges. Les administrations fiscales cherchent à s’assurer qu’il ne s’agit pas de montages abusifs.

Deuxièmement, il y a les coûts de gestion et de mise en conformité. La mise en place et la gestion d’une holding engendrent des coûts supplémentaires, notamment en termes de conseils juridiques, comptables et fiscaux. Il faut donc établir une vraie analyse bénéfices/coûts avant de constituer une holding.

Si vous deviez faire une synthèse des avantages et inconvénients à nos membres, à quoi cela ressemblerait ?

Sur l’aspect juridique, les avantages sont la flexibilité d’organisation juridique et un contrôle renforcé. Les inconvénients sont les formalités et la gestion complexes, ainsi que les coûts de gestion liés aux conseils comptables, juridiques et fiscaux.

Sur l’aspect fiscal, l’avantage principal est le différé d’imposition des revenus et des plus-values. Les inconvénients sont les frottements fiscaux dus aux quotes-parts de frais imposables, la surveillance accrue de l’administration et les clauses anti-abus.

Sur l’aspect social, l’avantage est l’optimisation du statut social du dirigeant. L’inconvénient est une moindre protection sociale si la rémunération se fait principalement par dividendes.

Enfin, sur l’aspect patrimonial, les avantages sont une transmission facilitée et un capital réinvestissable plus élevé. L’inconvénient majeur est que ce capital n’est pas directement disponible pour la personne physique.

Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à nos membres entrepreneurs qui s’interrogent sur ce sujet ?

Je dirais que détenir les titres de sa société par une holding présente des avantages certains pour les entrepreneurs dans des cas spécifiques. Elle permet de mettre en place une vraie politique de rémunération et de réinvestir une partie des bénéfices ou de la plus-value de cession avant de passer par la case impôt sur le revenu.

La holding peut s’inscrire dans une politique globale de gestion de patrimoine. Cependant, l’indisponibilité des fonds, les petits frottements fiscaux liés aux quotes-parts de frais imposables et les coûts supplémentaires engendrés doivent être pris en compte pour s’assurer de la pertinence de mettre en place un montage avec une holding.

Le rôle de l’expert-comptable est justement de vous accompagner dans votre prise de décision en fournissant des éléments objectifs, comme une simulation personnalisée qui prendra en compte votre situation particulière. Chaque cas est unique et mérite une analyse approfondie.

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