Fonds d’investissement, club deal ou family office : à qui parler, et quand en tant que franchisé ?
Dans l’univers de la franchise, trois grandes familles d’investisseurs se dessinent, chacune avec ses logiques propres, ses horizons temporels et ses attentes spécifiques. Comprendre ces profils permet aux franchiseurs et multi-franchisés de mieux structurer leur stratégie de financement et d’identifier le partenaire financier le plus adapté à leur projet.
Loin d’être uniformes, ces investisseurs se distinguent par leur approche du risque, leur niveau d’implication opérationnelle et leur vision de la création de valeur. Décryptage.
1. Les trois familles d’investisseurs : derrière une logique universelle, des applications spécifiques
1.1 Les fonds d’investissement : des partenaires de performance
Autrement dénommés fonds de private equity, ils investissent dans des entreprises structurées, rentables et à fort potentiel, pour en obtenir un rendement conséquent (autour de 15% annuels) et sur une période limitée de 5 à 8 ans.
Pour les franchiseurs
Cela suppose d’avoir dépassé le stade artisanal, notamment d’avoir une gouvernance et un plan de développement formalisés, des procédures de gestion claires, et de pouvoir produire un reporting exigeant. À titre d’exemple, on peut citer Easy Cash, qui a récemment embarqué les fonds Multicroissance et Océan Participations, après 8 ans avec Ouest Croissance.
Pour les multi/plurifranchisés
Les fonds peuvent aussi s’intéresser aussi aux multi-exploitants ou plurifranchisés gérant un portefeuille multi-enseignes, disposant d’un track record solide et d’une vision de développement claire.
| Profil | Ticket moyen | Pour qui ? |
| Franchiseur | 3 – 30 M€ | Réseau rentable en forte croissance |
| Multi/Pluri | 1 – 10 M€ | Exploitant multi-unités ou multi-enseignes |
1.2 Les family offices : le capital patient
Issus de la gestion de fortunes familiales, ils privilégient la préservation de valeur à long terme. Leur décision repose sur une rencontre et un alignement de valeurs avec les dirigeants, plus que sur un tableau Excel.
En franchise, ils apprécient particulièrement les concepts positionnés sur des tendances pérennes : la santé, la restauration responsable, les services à la personne ou encore l’éducation. Leur atout majeur est de ne pas rechercher une sortie à tout prix, certains pouvant rester au capital 15 ans voire davantage.
| Profil | Ticket moyen | Pour qui ? |
| Franchiseur | 1 – 10 M€ | Réseau stable, valeurs durables, vision long terme |
| Multi/Pluri | 0,5 – 5 M€ | Exploitant plurifranchisé, projet patrimonial |
1.3 Les club deals : l’agilité entrepreneuriale
Nés dans le secteur immobilier, les club deals associent des entrepreneurs, family offices ou cadres dirigeants qui mutualisent leurs capitaux pour investir dans des entreprises non cotées. Combinant capital et expérience, ils se caractérisent par une gouvernance légère et une capacité d’engagement relativement rapide. Ils comprennent la réalité du terrain et apportent souvent mentorat et réseau.
Pour les franchiseurs : la solution est tout indiquée pour les réseaux émergents ou jeunes (5-15 unités), en recherchent d’investissements lourds (centre de formation, production interne,…).
Pour les multi/plurifranchisés : le club deal est parfait pour passer de 1 à 5 unités, ou se diversifier dans une deuxième enseigne.
Par exemple, Caption a financé cette année, l’achat de magasin sous enseigne Lacoste, une démarche qui pourrait tout à fait s’étendre aux réseaux de franchise et aux exploitants multisites.
| Profil | Ticket moyen | Pour qui ? |
| Franchiseur | 0,5 – 5 M€ | Réseau émergent, concept prometteur |
| Multi/Pluri | 0,2 – 2 M€ | Passage à plusieurs unités, première diversification |
Trois questions fondamentales se posent donc avant d’ouvrir votre capital à un investisseur professionnel :
- Cherchez-vous un partenaire de phase, de stabilité ou d’expérience ?
- À quel stade de maturité vous situez-vous ?
- Êtes-vous prêt à partager le contrôle ?
2. Ce que recherchent tout investisseur
2.1 La clarté du modèle : démontrer la rentabilité et la réplicabilité
Rappelons qu’au-delà d’un concept original ou prometteur, un investisseur achète aussi une mécanique éprouvée.
Pour les franchiseurs
Fort de mon expérience dans l’accompagnement des réseaux, j’estime que la franchise attire notamment les investisseurs parce qu’elle repose sur des flux récurrents et prévisibles – certes sous-réserve de pouvoir objectiver ces derniers.
On peut même affirmer que les réseaux attractifs tiennent une « comptabilité de la duplication », avec des KPI clés comme le coût d’ouverture, le taux ou le délai de ROI. Et par exemple, Boulangerie Feuillette, qui vient récemment de franchir le cap des 100 unités, maîtrise parfaitement ces indicateurs.
Pour les multi/plurifranchisés
Pour ces entrepreneurs au succès local, il est important de savoir prouver leur track record. Les investisseurs scrutant leurs comptes magasin par magasin, et ils doivent documenter et objectiver leur capacité de gestion et de réplication : niveau de performances par unité, évolution du CA, maîtrise des coûts…
👉 Mon conseil : Plutôt qu’un pitch trop parfait ou aseptisé, préparez un tableau de bord avec des KPIs clés pour les investisseurs, et référents pour votre activité.
2.2 La traction : prouver que le marché répond présent
Pour les franchiseurs
On sait que plus un réseau affiche un taux élevé de renouvellement contractuel, plus sa croissance organique est conséquente et meilleures sont ses chances de convaincre de futurs investisseurs. Il faut y voir la preuve tangible d’un succès commercial de l’enseigne, donc in fine de sa résilience.
Pour les multi/plurifranchisés
En tant que multi ou pluri exploitant, vous pouvez apporter certains gages. Cela peut être votre capacité à réaliser avec succès plusieurs ouvertures sur une période donnée, à enregistrer une croissance continue du CA consolidé de votre parc, à générer des performances supérieures à la moyenne du réseau, sans oublier aussi une reconnaissance particulière de la part du franchiseur (prix, territoire élargi…)
👉 Mon conseil : Pensez aussi à afficher des preuves sociales, comme les avis Google ou sur les sites sectoriels – par exemple en matière de restauration.
2.3 L’équipe : le facteur humain
Pour les franchiseurs
Après avoir externalisé des fonctions clés, un franchiseur doit à un moment donné recruter des talents capables d’accompagner la professionnalisation de son enseigne, et de la mener vers de nouveaux horizons de croissance. La guerre des talents n’épargne pas les réseaux.
Pour les multi/plurifranchisés
L’investisseur va évaluer votre capacité à recruter des équipes terrain, à les manager, mais aussi à déléguer l’exploitation et bien évidemment à structurer et piloter une organisation multisite. Ils se demanderont notamment si vous avez nommé des managers de zone, et depuis quand. Ils voudront clarifier le rôle que vous conservez au sein de votre business, et la bande passante personnelle que vous conservez pour le développement.
👉 Mon conseil : Montrez que vous savez non seulement vous entourer, mais aussi fédérer et entraîner vos managers et collaborateurs autour de votre projet.
3. À chaque profil et chaque stade, son investisseur idéal
3.1 Le parcours du franchiseur
Le réseau émergent (5-15 unités) : les club deals et business angels
À ce stade, un fonds institutionnel est trop « lourd ». Les investisseurs entrepreneuriaux acceptent l’incertitude et apportent bien plus que du capital : des compétences, un réseau, du mentorat. On sait par exemple que le groupe Big Mamma a démarré avec des investisseurs entrepreneurs (dont Xavier Niel), avant de financer sa croissance par des fonds classiques comme Capza.
Le réseau en croissance (20-80 unités) : le capital développement
C’est le moment de se professionnaliser pour accélérer le maillage et lui faire atteindre une couverture significative. Le fonds d’investissement accompagnera le passage du « concept qui tourne » au « réseau sous pilotage ». Citons par exemple New School Tacos (30 unités), qui a levé +1M€ auprès de Food Invest en 2022.
Le réseau établi (80+ unités) : le capital patient ou stratégique
Ici, l’organisation poursuit des objectifs stratégiques comme la diversification, le regroupement et l’internationalisation. Les family offices et les fonds sectoriels y verront un actif stable et générateur de cash-flow, maximisant les effets d’échelle.
3.2 Le parcours du multi/plurifranchisé
Le primo-multifranchisé (1-3 unités) : autofinancement et circuits courts
Ses sources principales de financement sont l’autofinancement, le crédit bancaire, la love money, le crowdlending, voire un soutien du franchiseur. Les investisseurs institutionnels ne sont généralement pas encore intéressés.
Le multifranchisé confirmé (4-15 unités) : club deals et banques spécialisées
Vous avez démontré votre capacité de gestion multisite ? Les club deals deviennent pertinents en combinant capital, expérience, écosystème professionnel et gouvernance souple. Les cellules spécialisées en franchise des banques de réseau peuvent aussi envisager se positionner sur des opérations d’envergure.
Le (très) gros multi ou plurifranchisé (15+ unités) : fonds et family offices
Avec 10+ unités au sein d’une ou plusieurs enseignes, vous êtes un professionnel chevronné de la franchise, doté d’une organisation structurée. Les fonds et family offices peuvent vous regarder comme un groupe d’exploitation significatif, doté d’une certaine crédibilité – quand ce n’est pas d’un certains poids – auprès des dirigeants du réseau.
La triangulation franchiseur-multifranchisé-investisseur
Élément souvent négligé, la relation avec le franchiseur est pourtant déterminante. De nombreux franchiseurs nouent des partenariats avec des réseaux bancaires et des investisseurs. Le soutien de votre franchiseur renforce indéniablement votre dossier, sachant que de futurs investisseurs le contactent toujours dans l’analyse de votre projet.
👉 Mon conseil : Le franchiseur reste un ambassadeur de choix auprès des investisseurs.
4. Comment se préparer : l’art du « pré-deal »
4.1 La data room : adapter le contenu à votre profil
Mettre sur pied une data room avec vos conseils reste un élément indispensable. C’est même un peu votre vitrine professionnelle !
Pour les franchiseurs : elles comprennent entre autres les comptes consolidés sur 3 ans, les prévisionnels, les KPIs du réseau, le contrat-type de franchise et le DIP, l’organigramme et le plan de développement du réseau.
Pour les multi/plurifranchisés : ici, on s’appuiera plutôt sur les comptes d’exploitation des unités existantes, les chiffres consolidés, les contrats de franchise en cours, l’organigramme de la structure multisites, le plan de développement territorial, le comparatif de vos performances vs la moyenne du réseau ainsi qu’une lettre de soutien du franchiseur.
4.2 Le storytelling : incarner votre vision
Les investisseurs financent votre ambition autant que vos chiffres. L’émotion fertilise le capital en le rendant humain et crédible, alors préparez votre pitch comme une histoire et non une présentation financière.
Pour les franchiseurs
Partagez l’origine du concept, sa mission, ainsi que l’insuffisance de marché à laquelle sa création vient remédier, ou aspire à le faire. Par exemple, Starbucks a su séduire ses investisseurs avec la vision du « troisième lieu » chère à son ancien PDG Howard Schultz.
Pour les multi/plurifranchisés
Racontez votre parcours, votre trajectoire : pourquoi avoir choisi ce(s) réseau(x) ? Comment avez-vous développé votre première unité ? Qu’est-ce qui vous a poussé à ouvrir les suivantes ? Quelles difficultés avez-vous surmonté et comment ? Pour le plurifranchisé, il est important d’expliquer votre logique de diversification.
4.3 Le pilotage financier : parler le même langage
EBITDA, BFR, levier, multiple… Si vous êtes capable de citer votre taux d’EBITDA et de démontrer que vous maîtrisez votre BFR, vous laissez une tout autre impression qu’un vague « Oui, on est rentables ! ». À mon sens, vous former aux bases de la finance d’entreprise, c’est consentir un investissement minimal à impact maximal.
Les indicateurs clés à maîtriser :
| Profil | Exemple de KPIs |
| Franchiseur | EBITDA, ratio masse salariale/CA, CAC, ratios d’endettement, BFR, taux de renouvellement, de sinistralité… |
| Multi/Pluri | EBITDA consolidé et par unité, marge nette par point de vente, CAPEX vs CA généré, ROI par unité, évolution CA, Taux d’effort… |
En synthèse, appuyez-vous sur ces trois composantes :
- Méthode : une data room impeccable
- Transparence : des chiffres clairs et vérifiables
- Vision : un storytelling inspirant.
En conclusion
Au final, posez-vous ces questions :
- Qui êtes-vous ? (Franchiseur, multifranchisé, plurifranchisé)
- Où en êtes-vous ? (Stade de développement)
- Où voulez-vous aller ? (Vision à 3-5 ans)
- Avec qui ? (Type d’investisseur, alignement de valeurs)
👉 Et vous, êtes-vous prêt à faire entrer votre réseau dans cette nouvelle frontière ? Parlons-en !
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